Charles Akopian

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L'invité de la semaine Charles Akopian

L'Humanité 21 décembre 2004

Secrétaire général de la fédération du Gard du Secours populaire français. « Ce ne sont pas des pauvres, des exclus ou des tricheurs que nous recevons. Chacun a une histoire, des savoir-faire, des richesses qui souvent ne demandent qu'à être (r)éveillées. »

Le 21 décembre 1988, 2 500 enfants de Nîmes et des villages environnants ravagés par les inondations du 3 octobre avaient pris place dans six TGV spéciaux pour vivre une journée de rêve à Paris. Ils ne montaient pas les mains vides : au pied de la tour - Eiffel, la noria des bus déversait les jouets que les sinistrés gardois avaient collecté et offraient aux enfants d'Arménie, victimes du terrible séisme qui le 7 décembre avait fait des dizaines de milliers de morts. Illustration d'une solidarité humaine, chaleureuse et - fraternelle prenant en compte le drame et ses répercussions : il s'agissait, après consultation d'enseignants et de psychologues, d'offrir aux enfants d'autres images fortes afin que ces dernières remplacent celles du drame vécu. Illustration aussi d'une solidarité en mouvement où il n'y a pas d'un côté celui qui donne et de l'autre celui qui reçoit ! Les « bénéficiaires » de la solidarité sont avant tout des êtres humains, que notre société malheureusement qualifie plus qu'elle ne nomme. Ce ne sont pas des pauvres, des exclus ou des tricheurs que nous recevons. Chacun a une histoire, des savoir-faire, des richesses qui souvent ne demandent qu'à être (r)éveillées, et peut prendre part à la grande chaîne de l'action solidaire. De même nos bénévoles reconnaissent souvent être eux-mêmes : des bénéficiaires de la - solidarité en vivant ce qu'ils partagent au SPF. Ainsi la solidarité et la mise en mouvement pour la solidarité nous semblent indissociables. Agréés d'éducation populaire, nous pensons que « faire pour sans faire avec, c'est faire contre ». La solidarité chaleureuse, inventive, n'a rien à voir avec la solidarité - clinique. Dans cet esprit, au Secours populaire, on ne distribue pas ! Toutes nos actions, notre pratique quotidienne, consistent à multiplier ces « espaces de solidarité multiforme », véritables lieux de victoires sur le repli sur soi, où l'écoute, l'accompagnement pour l'accès aux droits, l'orientation, nourrissent des échanges afin d'envisager ensemble des solutions, des démarches. Bien sûr, la réponse à l'urgence est irremplaçable : des enfants, des jeunes, des personnes seules, des familles, des « travailleurs pauvres » et de plus en plus de personnes âgées dans notre pays ne mangent pas à leur faim, ou n'ont pas les moyens suffisants pour assurer la soudure jusqu'à la fin du mois. Et nous répondons concrètement à cette demande. Mais lorsque, avec une maman venue demander à manger pour ses enfants, nous réussissons à monter un projet familial de départ en vacances, qu'elle fait les démarches nécessaires, et réussit à concrétiser ce qui était hors de ses préoccupations prioritaires en venant nous rencontrer, nous avons ensemble construit un avenir meilleur. Elle est belle cette solidarité qui fait passer du « je » au « nous » et s'efforce de donner des outils (même modestes) pour s'en sortir. Alors, pourquoi pas avec vous si vous vous sentez concernés, chez vous, dans votre localité, sur votre lieu de travail ou d'études ? Nous ferions tellement plus si vous étiez des nôtres ! Les portes du Secours populaire français sont grandes ouvertes : ne ratez pas ce merveilleux rendez-vous qui durant toute l'année 2005, année du soixantième anniversaire de l'association, va décliner la solidarité sur tous les tons, avec force passion, imagination et dévouement, car en attendant une vie meilleure, c'est aujourd'hui qu'il faut tordre le cou à la misère dans ce monde qui vraiment ne tourne pas rond.